Bandeau
Devenir ou Destin
En marchant , élaborer nos propres chemins ou bien suivre les vieilles ornières.

Vaste amoncellement de réflexions personnelles sur la vie, la science, la politique, la nature?, l’esprit?, parfois les actualités politiques… Dirigés vers un but : élaborer notre propre chemin afin d’éviter le morbide et prévisible destin capitaliste.

Le tout avec de nombreux détours musicaux.

Le clergé de notre religion et ses activités
Article mis en ligne le 16 juin 2018

Il est maintenant couramment question de « la malbouffe ». Parce qu’un début de prise de conscience a eu lieu. Oui, ce n’est qu’un début ; car il est encore, le plus souvent, soigneusement évité de remonter aux causes premières, ou plutôt à la cause pouvant très légitimement être considérée première : la loi sacrée de la civilisation industrielle marchande pompeusement déguisée en « économie politique ».

Voilà qui est bien regrettable, parce qu’en poussant notre examen jusqu’à ce niveau, nous nous apercevrions que les logiques marchandes et industrielles ont abîmé autant que multiplié toutes nos autres productions. Si notre production la plus essentielle, celle qui nourrit nos corps, est touchée, alors c’est que toutes les autres le sont.

Le succès médical de l’insuline en 1921 s’est accompagné d’un succès commercial moyen, car malgré l’obligation d’un traitement à vie, la cible des patients était étroite. Dans les années 1940, l’extraordinaire efficacité des antibiotiques s’est doublée d’un succès commercial sans précédent, mais les traitements étaient courts, car immédiatement efficaces.

Trop peu de patients d’un côté, et des patients trop vite guéris de l’autre, les industriels ont vite compris qu’aucun de ces deux miracles médicaux n’était véritablement miraculeux pour le commerce. Il fallait des cibles larges et des traitements à vie.
Luc Périno, médecin (et écrivain)

C’est sur le terrain des faiblesses et morbidités mentales que l’industrie pharmaceutique pu se développer le plus à son aise. Elle s’érigea en maître des maladies, au sens de grand fabriquant de maladies chroniques. Le meilleur moyen d’imposer les contre-poisons que l’on a fabriqué, c’est de produire également les poisons, et de sorte que les uns et les autres soient intervertibles. Mais les maux ainsi artificiellement créés cachent les maux "naturels", les rendant encore plus difficiles à comprendre, et même à percevoir.

La nouvelle religion occidentale est une "science" dite "économique", c’est elle qui gère la société?. Mais les âmes sont sous la coupe des "sciences" médicales et c’est auprès des médecins que les pratiquants se confessent. Le cabinet du médecin est un confessionnal où un médecin toujours seul reçoit le patient normalement toujours seul (autant que faire se peut).

Cela est vrai aussi bien pour régler les difficultés psychiques que les maux somatiques ; en société?, le malade se doit d’être un individu? paraissant non membre d’une ou plusieurs communauté(s), il est considéré isolé – conceptuellement, l’individu? est isolé.

Le patient (du latin patiens : souffrant, celui qui souffre) s’en remet donc entièrement à la science et se trouve seul face à elle et son représentant sur Terre. Lui-même et ses proches n’ont plus qu’à prier la raison de ne pas abandonner la médecine. Car "La Vérité" n’est plus apportée par une Église religieuse représentée par son prêtre, mais par les universités, les grandes écoles et les laboratoires – y compris les laboratoires marchands –, représentés par leur diplômé ou client.
Ceci est l’un des effets majeurs de la révolution effectuée par l’Occident et, entre autres mais d’une façon particulièrement critique et (anté)christique, par la France :

[...] la médecine et les discours médicaux ont construit une « certaine histoire de la nation et de l’empire français ». Pour [Zrinka Stahuljak], en effet, au XIXe siècle, « l’espace médical se mit à coïncider avec l’espace social?. Deux préoccupations d’égale importance apparurent dans la médecine : le soin du corps et le soin de l’esprit?, et donc l’autorité médicale dans les domaines physiologique et psychologique. Après l’abolition de l’Église par l’Assemblée constituante en 1793, les soins mentaux (conçus comme soins de l’âme sous l’Ancien Régime) furent confiés à une catégorie nouvelle, les aliénistes ».

Or, à cette époque « la médecine était partie intégrante de la mission civilisatrice de l’Occident aux colonies : dompter les maladies et les pratiques, améliorer la santé des indigènes tout en protégeant les colons et la métropole des épidémies et habitudes importées ». La médecine impériale « devint une preuve de supériorité de la puissance politique, technique et militaire de l’Occident ».
Joseph Confavreux [1]

Dans la civilisation industrielle marchande, toutes les institutions, nationales ou privées, sont bien évidemment en phase avec l’industrie et le commerce, puisque ceux-ci sont les vecteurs maîtres civilisateurs. Elles sont en phase parce qu’elles sont leurs esclaves. Elles sont aliénées et sculptent le monde à leur image.

En 1973, le psychologue David L. Rosenhan a publié un article célèbre dans Science : « Être sain d’esprit? dans des endroits démentiels. » Rosenhan et sept autres bien-portants se présentèrent dans des hôpitaux psychiatriques et dirent qu’ils entendaient des voix. L’objectif était d’obtenir leur congé de l’hôpital par leurs propres moyen en convainquant le personnel qu’ils étaient sains d’esprit?. Dès qu’ils furent admis, ils ont arrêté de simuler leurs symptômes et se sont comportés d’une manière complètement normale. Pourtant, ils furent hospitalisés pendant 19 jours en moyenne (Rosenhan, pendant deux mois avant d’obtenir son congé) et on leur a prescrit des médicaments [...]. On les a libérés avec un diagnostic de schizophrénie en rémission [...].

Plusieurs vrais patients ont soupçonné que les faux patients étaient sains d’esprit?, mais le personnel n’a pas perçu la normalité.
Psychiatrie? mortelle et déni organisé, Peter C. Gøtzsche, traduction Fernand Turcotte, Presses de l’Université Laval, p.19 et 20.