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Devenir ou Destin
En marchant , élaborer nos propres chemins ou bien suivre les vieilles ornières.

Vaste amoncellement de réflexions personnelles sur la vie, la science, la politique, la nature?, l’esprit?, parfois les actualités politiques… Dirigés vers un but : élaborer notre propre chemin afin d’éviter le morbide et prévisible destin capitaliste.

Le tout avec de nombreux détours musicaux.

(1998) / Goliarda Sapienza
Sectarisme ou démocratie, il faut choisir
Article mis en ligne le 16 juin 2011

L’art de la joie
traduit de l’italien par Nathalie Castagné, Editions Viviane Hamy, 2005

« PRANDO : Et vous savez qui a donné son pouvoir à cette main qui d’un ordre peut balayer des années de conquêtes ?
BAMBÙ : Le capitalisme?, cher cousin, l’Angleterre, la France, nous le savons.
PRANDO : Tu le sais, hein, Bambolina ! Bien sûr, mais aussi notre sectarisme à nous, les communistes. Depuis un an mes yeux se sont ouverts : un sectarisme forcené qui a poussé les socialistes et toutes les forces démocratiques dans les bras du fascisme.
BAMBÙ : Si tes yeux se sont ouverts en écoutant Andrea, tu pouvais aussi écouter Daniel, il me semble.
PRANDO : Ce ridicule intellectuel? moitié italien moitié français ?
BAMBÙ : Lénine aussi était un intellectuel?, et ton Andrea aussi, tu te contredis, Prando.
PRANDO : Mais Andrea est un fils d’ouvriers, et ton Daniel n’a que son Rosselli [1] à la bouche, et des pleurs et des larmes pour les erreurs du comité international. On était convaincus, étant donné la crise économique, de la fin du capitalisme?. On pensait que la révolution était aux portes, etc. Pendant ce temps, les forces anti-fascistes s’éparpillent, se divisent. C’est facile de pleurer un mort, Bambù !
BAMBÙ Je ne pleure aucun mort, je ne pleure même pas mon père et tu le sais. C’est toi qui me mets en colère, à présent. Si des erreurs ont été commises, on peut les réparer, voilà ce que disait Daniel. Et il me semble qu’il donnait diverses directives, non ? C’est toi, là, maintenant, qui t’acharnes et pleurniches sur le passé.
PRANDO : Je ne pleurniche pas, mais je ne veux pas oublier les erreurs pour ne pas y retomber. Et puis, si tu veux le savoir, ce n’est pas aussi facile, aujourd’hui, que ton Daniel le pense, en venant ici de Paris pour une semaine, tout propret et tout élégant, de conseiller de faire volte-face. Comme s’il s’agissait d’un numéro du magicien Bustelli ! Parle avec les communistes ici en Italie, et tu verras comme il est facile de les dégager du sectarisme auquel ils ont été rivés pendant des années ! A Lentini, à Carlentini, dès que tu fais une allusion aux socialistes, tu vois quelqu’un qui crache et quelqu’un d’autre qui fronce le nez. Tu vas dire que ce sont des paysans, d’accord. Mais prenons Joyce, je dis bien votre Joyce, et dire que je l’adorais ! Que me fait-elle ? Je lui amène des garçons tout prêts, désireux de savoir, et elle fait la grimace : un libéral ! un républicain ! Comme s’il y avait un pré immense couvert de fleurs où il suffirait de choisir ! Nous avons besoin de tout le monde, tout le monde, et pas pour la chimère tant désirée de la révolution, mais pour survivre. »
Goliarda Sapienza, L’art de la joie, traduit de l’italien par Nathalie Castagné, Editions Viviane Hamy, 2005.