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Devenir ou Destin
En marchant , élaborer nos propres chemins ou bien suivre les vieilles ornières.

Vaste amoncellement de réflexions personnelles sur la vie, la science, la politique, la nature?, l’esprit?, parfois les actualités politiques… Dirigés vers un but : élaborer notre propre chemin afin d’éviter le morbide et prévisible destin capitaliste.

Le tout avec de nombreux détours musicaux.

A propos de quelques manifestations du désir
Article mis en ligne le 19 mai 2020

Malgré les difficultés engendrées par la coexistence, d’une part, de deux sexes, et d’autre part, de deux formes d’organisation cérébrale – malheureusement encore très superficiellement décrites parce que découvertes que tout récemment –, le désir d’entente et d’harmonie est un caractère culturel dominant chez les peuples vivant en communauté, il est partout une nécessité communautaire.

Paradoxalement, c’est ce même désir qui, chez eux, commande les aspects performatifs et coercitifs des cérémonies de passage à l’âge adulte. Mais le passage d’un état à un autre est en réalité continu et, durant l’enfance, dominé par le jeu – auquel l’adolescence ajoute la danse ; les cérémonies de passage n’en sont que des exagérations, des crises organisées à fin de marquage identitaire dont il faudrait mieux se passer, car nul n’a besoin d’identité s’il y a véritable appartenance (avec sentiment partagé d’appartenance) [1]. Le seul besoin – le seul désir – présent partout naturellement est celui d’appartenance. Or, il est avéré que le sentiment d’appartenance apparaît avec toute coopération dans le jeu et dans la danse, tandis que dans la lutte apparaît l’unité maintenue par une hiérarchisation des membres de la communauté – une communauté dérivant donc en société? ; parlons alors, d’une manière plus neutre, d’une hiérarchisation des membres de la "collectivité".

La soi-disant nécessité d’identité résulte d’une vision restreinte, de nature? policière, du besoin d’appartenance, vision qui est propre aux collectivités en situation de guerre et hiérarchisées. Dans de tels groupes humains, les activités de jeu et de danse tendent à cristalliser sous forme de luttes.
Dans Le Monde Diplomatique d’avril 2020, Evelyne Pieiller s’inquiète d’une possible et prochaine disparition de « la lutte contre l’injustice sociale, contre l’exploitation, contre l’aliénation », laissant place à une « célébration des interrelations » ; elle nous montre ainsi à quel point cette cristallisation s’est, en civilisation marchande, réalisée. Son esprit? en est à ce point marqué qu’elle conclut son article « Réinventer l’humanité… » [2] par ces mots :

« Cette incitation à l’élévation de l’âme [...] peut faire le bonheur de passéistes dénonçant le progrès, d’utopistes sentimentaux, de fervents de l’appartenance à la communauté du vivant, où se diluerait les conflits d’intérêts. Mais, forte de sa résonance, riche de son désir de partage, elle peut aussi, mise en perspective critique par une pensée matérialiste qu’elle oblige à s’affûter, contribuer pour partie à un renouvellement des forces progressistes. »

Le Monde Diplomatique est sans doute, en France tout au moins, le meilleur hebdomadaire politique d’information, sinon de réflexion, mais à ce jour il continue de partager une des pensées fondatrices de la civilisation capitaliste autrement nommée "Occident" : le progrès, une idéologie progressiste qui englobe toutes les réalités de nos vies, matérielles aussi bien que spirituelles. Le cœur qui bat chez tous les progressistes alimente une croissance? par un seul désir : plus et mieux qu’hier, moins que demain ; et une seule volonté : vaincre, car il s’agit d’une mentalité guerrière de conquérant dont le colonialisme est encore une facette et qui implique toujours une organisation hiérarchique, verticale.

On peut discuter de la volonté de progrès sans être pour autant nostalgique d’un passé. Et l’on peut être relativement nostalgique des modes de vie communautaires sans être pour autant passéiste. Le meilleur n’est pas nécessairement devant soi, ni forcément le produit d’un combat. La seule volonté qui nous importe vraiment et qui doit nous porter est une dérive intellectuelle du désir-besoin de vivre communautairement, en un mot : d’appartenir. Mais cela n’est pas visible par tout le monde…

La gauche ne peut pas être objective puisqu’elle est l’esprit? de son objet d’étude, elle est vraiment gauche – sauf dans la mesure où elle construit cet objet d’étude, la société? ; elle en est alors le dieu [3].

La société? résulte de la transformation du travail-jeu de production en travail-force de production, transformation militarisant la vie par un maintien mécaniste de l’ordre. Exit les communautés ; même, à terme, les familles.
Il s’agit-là d’une extension, dans tous les domaines de la vie, de la volonté marchande colonisant le monde depuis quelques siècles déjà. Mais cette transformation n’arrivera pas à terme, la covid-19 et le réchauffement climatique sont arrivés. Au pire, il n’en subsistera qu’une structuration policière du monde privée de son objectif initial (la production d’une puissance) mais dotée d’un autre infiniment plus ardu : rendre cette civilisation marchande compatible à long terme avec nos ressources, notre situation terrestre et notre nature? vivante biologique.

Non, Mme Pieiller, nous n’avons pas à nous inquiéter d’une possible disparition des luttes sociales, car elle signifierait l’avènement d’une nouvelle co-naissance communautaire tournant le dos à la marchandise. Et à la guerre.