(note : l’expression « réflexe défensif de sécurité » semble ne pas être actuellement utilisée par la science)

Il est arrivé un jour, à l’auteur de ces lignes, de s’évanouir de honte devant l’incapacité dont il faisait preuve devant "tout le monde". C’était lors d’une interrogation "au tableau" pendant une formation. Il n’était pourtant plus enfant mais trentenaire. D’ailleurs, enfant, cela ne lui était jamais arrivé, sans doute parce qu’il ne s’était jamais trouvé dans une telle situation [a].

L’évanouissement est vraisemblablement une défense propre aux tempéraments à repli sur soi, aux personnes optant beaucoup plus facilement pour la fuite que pour l’attaque ou la négociation, que ce soit en toute conscience, volontaire, ou bien inconscient^?. À l’inverse, le rire sera la défense de qui s’extériorise beaucoup, ne craint pas d’envahir son entourage, ressent toujours le besoin de manifester sa présence à autrui…

La honte peut donc provoquer un éclat de rire, le sien propre, en protection, en déni de sa propre honte. Il pourra être retourné, consciemment, vers soi-même, en forme d’autodérision ; ou bien, au contraire, rester destiné à l’autre, aux autres, il s’agit alors d’une contre-attaque.
À la différence de l’évanouissement, le rire peut assez aisément être répété pour, ainsi, passer de « mécanisme de défense » à « stratégie d’adaptation » [1], voire même à instrument de manipulation. Dans ce dernier cas, il ne s’agira pourtant pas d’un rire communicatif [2], c’est bien une honte qui sera transmise mais sous la forme d’un dégoût : la vision d’une honte sensée éprouvée ou devoir être éprouvée par une autre personne^?. En société^? patriarcale le procédé pourra, chez une femme, s’être intégré dans une stratégie plus générale de défense contre la domination mâle, d’abord inconsciemment.

Si le rire peut être ouverture à une attaque ou bien à une négociation, l’évanouissement n’ouvre qu’à la négociation s’il n’est, en lui-même, déjà négociation victorieuse ou bien reddition. L’auteur connaît intimement un troisième réflexe défensif de sécurité qui, comme l’évanouissement, ne peut sans doute pas devenir conscience stratégique : en présence d’autrui, l’audition de mots relatifs à un certain thème ne produit pas dans son cerveau leur transmission immédiate à la conscience émotionnelle ou intellectuelle, surtout si c’est l’autre en présence qui vient de les prononcer. Tout se passe comme si ces mots n’avaient pas été entendus ; une fraction de seconde après, leur souvenir n’existe pas, n’a jamais existé, seule subsiste une vague impression qu’il vient d’être question du thème pour lui interdit.
Dans un cas pareil, bien sûr, on ne demande pas à l’autre de répéter ce qui vient d’être dit. Tout en regrettant, pourtant, de rester à tout jamais dans l’ignorance [3]. Et si, malgré tout, on le demande, l’autre alors ne daigne pas se répéter si c’est lui ou elle qui vient de parler, ou pense avoir mieux à faire que de servir de compensateur d’une mauvaise audition.